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EMILIO SALGARI - « L'Esclave de Madagascar » (1933)


« L'Esclave de Madagascar » fait partie des quelques ouvrages traduits et publiés dans les années 30 par la Comtesse de Gencé pour la collection « Les Belles Aventures » des éditions Albin Michel.

Si la plupart de ces romans, publiés bien après le suicide d'Emilio Salgari, sont dus à la plume de nègres littéraires rarement fidèles à l'esprit anti-colonial de Salgari, il est probable que « L'Esclave de Madagascar » soit, sinon directement rédigé par Salgari, du moins scénarisé par lui peu de temps avant sa mort. On retrouve en effet dans ce roman l'esprit libertaire et rebelle propre au véritable Emilio Salgari, l'auteur toujours révéré en Italie de la saga de « Sandokan ».

« L'Esclave de Madagascar » est l'un des rares romans coloniaux d'Emilio Salgari, où l'homme blanc n'apparaît quasiment pas. Ce récit narre les aventures mouvementées et funestes de deux malgaches, Mayunga et sa fiancée Suli, seuls survivants d'une tribu massacrée et réduite en esclavage par le cruel négrier arabe Kaphir. Au terme d'un long voyage dans un navire négrier jusqu'au Zambèze, marqué par des humiliations et des cruelles épreuves, les deux amants échappent à leur statut d'esclaves et entament un long retour à pied vers Madagascar, durant lequel ils devront affronter quantité d'obstacles presque insurmontables : d'autres esclavagistes, des fauves, des pirates, des tribus hostiles, des traîtres, des arbres empoisonnés, jusqu'à leur île natale où, en compagnie d'un ancien esclave évadé qui leur a sauvé la vie et est devenu leur ami, ils pourront y fonder une nouvelle tribu.

Bien que rédigé (et/ou traduit) dans un style médiocre, et ne craignant ni les rebondissements téléphonés, ni les dénouements miraculeux, « L'Esclave de Madagascar » est un roman tout à fait prenant, tant par la frénésie de son rythme, que par la richesse et l'énergie de son imagination. Les personnages sont volontiers stéréotypés - les gentils très gentils, les méchants très méchants et les fourbes très fourbes -, mais Emilio Salgari porte sur les deux héros malgaches de ces tragiques mésaventures un regard d'une infinie tendresse qui parvient à nous les rendre attachants malgré leur inconsistance.

Si l'on dépasse tout ce que ce genre de roman exotique peut avoir de convenu, y compris l'utilisation constante du mot "nègre" qui en ce temps-là n'était pas jugé péjoratif, on se laisse volontiers porter par ce petit joyau insolite de littérature populaire et adolescente, qui témoigne d'une grande maîtrise narrative mise au service d'une morale à la fois romantique et combative, qui démontre à ses jeunes lecteurs l'importance de rester humain, droit et intègre dans un monde hostile, haineux et corrompu, hanté par la domination des faibles par les brutes esclavagistes.

Ni d'une grande profondeur, ni d'une totale superficialité, « L'Esclave de Madagascar » préfigure les bandes dessinées américaines, façon Tarzan, Conan ou Mandrake, qui prendront le relai de cette littérature européenne déjà un peu désuète dans les années 30. De nos jours, ce roman, comme tous ceux d'Emilio Salgari, fait figure d'antiquité d'un autre âge, mais il n'empêche qu'il n'est pas si compliqué que ça - et même tout à fait délicieux - de laisser au vestiaire sa philosophie d'homme urbain du XXIème siècle pour céder avec complaisance à cette histoire pleine d'amour et de fureur qui fit sans doute rêver nos grands-parents et nos arrière-grands-parents, alors que l'adolescence leur donnait le goût des grands espaces et des aventures lointaines.

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