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FRÉDÉRIC SOULIÉ - « Marguerite » / « Le Maître D'École » (1842/1839)



Deux courts romans de Frédéric Soulié, deux oeuvres mineures relativement proches, écrites à quelques années d'intervalles, et que l'on trouve souvent couplés dans les oeuvres complètes de l'écrivain.

« Marguerite » (1842) est un mélodrame complexe mettant en scène deux couples voisins, habitant la même cour, et travaillant ensemble. M. de Morency, faux aristocrate marié à une femme plutôt volage, est rédacteur-en-chef d'un journal catholique ultra-conservateur. Leur voisin est un jeune écrivain, M. Chambel, marié à une femme plus âgée et jalouse. Par sympathie mutuelle née d'un bon voisinage, M. Chambel écrit lui aussi dans le journal de M. Morency.

La cordialité de ces deux couples a été encouragée par une connaissance commune, l'abbé Norton, directeur de publication du journal où sont employés Morency et Chambel à leurs postes respectifs. Ce prélat ambitieux et imbu de lui-même a un goût particulier pour les intrigues et les manipulations. Afin de renforcer l'union de ces deux familles bourgeoises et influentes, il pousse le très fat Chambel dans les bras de Mme de Morency. Elle-même, experte en cocufiages, sait mener une relation adultère avec une remarquable discrétion.

Tout serait parfait dans le meilleur des petits mondes, si Mme de Morency, par charité et pour faire plaisir à l'abbé Norton qui ne savait pas quoi en faire, n'avait recueilli une jeune orpheline, dont le petit coeur s'éveille à l'amour en voyant régulièrement venir le beau M. Chambel. L'intéressé n'y prend pas garde, mais sa femme le remarque, et se met à vouer une haine profonde envers cette si peu discrète vierge. Un soir, elle fait une allusion directe à cette passion qu'elle suppose moins innocente, provoquant un malaise dans une soirée mondaine.

Honteuse, sans comprendre pourquoi, la jeune Marguerite écrit alors une lettre à son abbé tuteur, l'abbé Fortin, dans laquelle elle confesse son amour pour Chambel, mais aussi la passion adultère qu'il partage avec Mme de Morency, et dont elle a été témoin à force d'épier les allées et venues de son beau voisin.

Cette lettre innocente ne pouvant être remise directement à l'abbé Fortin, Marguerite étant consignée dans sa chambre, elle est confiée au fils un peu niaiseux de Mme de Morency, qui va indirectement la faire voyager entre les mains de pratiquement tous les personnages de ce roman, jusqu'à créer une tragédie chez les deux couples...

L'intrigue est particulièrement vaudevillesque, mais Frédéric Soulié sait en exploiter tous les ressorts et tous les rebondissements possibles avec un art inimitable et une écriture fluide, caustique et raffinée. Son intrigue évolue vite vers un imbroglio d'une grande complexité et néanmoins maîtrisé avec beaucoup d'habileté. À cela s'ajoutent des personnages d'une grande richesse, particulièrement crédibles, eux-mêmes très complexes et pulsionnels, dont l'auteur ne dissimule rien de leurs âmes tortueuses, du moindre sursaut de panique, que leur culpabilité leur inspire, jusqu'aux égarements naïfs de leurs rêves et de leurs suppositions. On déplorera juste une conclusion un peu bâclée.

« Le Maître D'École » (1839) est un récit plus classique, qui narre les amours croisés d'une famille de paysans d'origine inconnue et d'une famille d'aristocrates eux aussi d'origine très incertaine. L'action se passe en 1814.

Brutus, enfant misérable mais passionné par les lettres, est devenu à force de travail le maître d'école du petit village où il vit, mais souffre de vivre avec sa mère démente, qui a tout oublié de sa vie avant la Révolution Française, et sa soeur acariâtre, Rosalie.

Brutus est recruté comme secrétaire par le comte de Lungano, qui habite un manoir voisin, et fait connaissance avec sa ravissante fille, Pamela, petite demoiselle de bonne famille, mais qui s'ennuie seule dans ce grand manoir.  Elle est fiancée avec son cousin Hector, mais celui-ci ne lui prête que peu d'intérêt. Il préfère passer ses après-midis en compagnie de la soeur de Brutus, Rosalie, avec laquelle il entame très vite une relation adultère torride. Pamela se retrouve donc seule avec Brutus, et petit à petit, malgré la différence de classe sociale, les deux jeunes gens tombent progressivement amoureux.

Hélas, dans un si petit village, les secrets dont difficiles à garder, et la population commence à jaser. De plus, la mère de Brutus, se trouvant un jour confrontée au Comte de Lungano, sort brutalement de sa folie et reconnait l'homme du tribunal révolutionnaire de Lyon qui a fait condamner son mari, le Marquis de Favières...

Plus classique dans ses quiproquos, et avouons-le, franchement désuet sur un grand nombre de thématiques, « Le Maître D'École » n'en est pas moins plaisant à lire, pourvu qu'on joue le jeu de codes littéraires vieillots, qui suggèrent sans scrupules que les qualités ou les défauts de chacun révèlent la réalité de leurs classes sociales d'origine. Si Frédéric Soulié semble de prime abord orienter son histoire vers une romance qui dépasse les tristes limites des conventions sociales, un bien improbable retournement de situation dégoupille l'audace d'un romantisme plus progressiste.

Heureusement là aussi, Frédéric Soulié nous offre des personnages très riches, cohérents, bien marqués, bien contrastés qui donnent beaucoup de poids à une intrigue un peu facile et assez abracadabrante. 

 

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