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JEAN BARDANNE - « Brelan d'Espionnes »(1932)


Les années 20-30 virent un effet de mode autour de la publication ponctuelle de documents signés par d'anciens espions, révélant des anecdotes autour des pratiques d'espionnage durant la Première Guerre Mondiale. Si l'on peut considérer avec intérêt les ouvrages pionniers signés Charles Lucieto, au travers de sa série à succès « La Guerre des Cerveaux », quantité d'ouvrages annexes signés par des opportunistes sont hélas plus volontiers nanardesques.

C'est le cas notamment de Jean Bardanne, qui se prétendait également espion à la retraite et signa une poignée d'ouvrages sous l'intitulé « La Guerre Secrète » sur ce thème aux Editions Baudinière durant les années 30. « Brelan d'Espionnes » fut l'une de ses meilleures ventes, quoique paradoxalement, c'est un livre assez peu intéressant, fort ennuyeux, peu documenté, et truffé d'erreurs.

« Brelan d'Espionnes » est d'abord un livre au titre mensonger, car il n'est que très modérément question d'espionnes dans ce livre, et encore arrivent-elles assez tardivement. le drapeau français en couverture est également un peu incongru : il n'est question dans ce livre pratiquement que d'espions britanniques, allemands ou russes.

Ce qui intéresse surtout Jean Bardanne, c'est l'entrée, plus ou moins imposée par la guerre, dans le monde de l'espionnage de personnalités issues d'autres milieux et qui n'étaient pas amenées de prime abord à y faire carrière. Aussi le livre s'ouvre-t-il sur de longues et discutables biographies de Lawrence d'Arabie et Gertrud Lovathian Bell, deux personnalités ayant surtout officié dans les colonies britanniques. Pour être longues, ces biographies n'en sont pas pour autant très complètes, et sur Lawrence comme sur Gertrud, Jean Bardanne commence déjà par se tromper sur leurs années de naissance. De même, une partie de ces portraits est constituée de digressions extrapolatives récurrentes de l'auteur, qui cherche constamment, avec une verve que l'on qualifierait aujourd'hui volontiers de "conspirationniste", à relier tel ou tel évènement à d'autres évènements qui se sont déroulés ailleurs, mettant en scène d'autres protagonistes, mais dont le mode opératoire laisserait entendre que, peut-être, il y aurait une même patte derrière tout cela. C'est particulièrement vrai lorsqu'il aborde le cas tout à fait édifiant - et authentique - du prêtre Rudolf von Gerlach (que Jean Bardanne s'obstine à appeler "Rodolf", de même qu'il ne fait jamais allusion à Hitler sans orthographier son prénom "Adolph"). Von Gerlach fut un authentique homme d'église qui devient le camérier - et probablement aussi l'amant - du pape Benoit XV, et qui utilisa sa position au Vatican pour servir de plaque tournante de l'espionnage allemand, jusqu'à ce qu'il se fasse repérer et qu'il tombe en disgrâce.

C'est à partir de ce cas-ci que Jean Bardanne commence lentement à partir en roue libre, en recherchant, dans tous les cas qu'il aborde, des traces d'un espion nommé Goldenstein, dont d'ailleurs on ne trouve aucune trace en dehors de ce livre de Jean Bardanne. Fasciné et hanté par ce personnage qui fut agent double et qui semble s'être volatilisé en U.R.S.S. quelques mois avant la publication de ce livre, Jean Bardanne s'enfonce lentement dans une théorie du complot visant à démontrer qu'Hitler et le national-socialisme sont financés par le régime soviétique de Moscou. L'Histoire s'est chargée, je pense, de ramener Jean Bardanne à une vision plus réaliste.

Il est vrai que dès les premières pages, Jean Bardanne alerte sur ce qui est, selon lui, la plus grande menace du monde moderne, le bolchévisme, décrit comme "l'ennemi de toute civilisation". Bardanne est fidèle, en ce sens, à un état d'esprit partagé par la plupart des auteurs des Editions Baudinière, et qui amènera cette maison d'édition à publier des ouvrages de collaborateurs et de théoriciens antisémites durant l'Occupation, tant tout valait mieux que le bolchévisme aux yeux de l'éditeur Gilbert Baudinière. Ce dernier payera cher à la Libération ses complaisances envers les théories du Nazisme.

Tout cela fait de « Brelan d'Espionnes » un petit ouvrage manquant singulièrement de rigueur, et dont la démarche historique est fortement parasitée par les préoccupations politiques des années 30, lesquelles font perdre à Jean Bardanne une partie de son sens des réalités et l'amènent à tendre son ouvrage dans la direction d'une propagande antibolchévique parfaitement ridicule, à quelques années d'une montée des périls venue d'un camp qu'il n'estimait pas dangereux.

Si « Brelan d'Espionnes » se laisse lire, de par sa fluidité et sa superficialité, c'est néanmoins un ouvrage douteux, qui ne fait qu'accumuler des renseignements imprécis, des rumeurs douteuses et non vérifiées et des pistes de réflexions fortement orientées. On sera donc bien avisé de préférer les livres signés Charles Lucieto, qui bien que farfelus, assument leur caractère romanesque tout en étant bien plus rigoureux sur le plan historique.

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