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PIERRE DECOURCELLE - « La Chambre d’Amour » (1891)


Pierre Decourcelle fut l’un des auteurs les plus rigoureux et les plus prestigieux du roman populaire de la Belle-Époque. Neveu de l’auteur de théâtre Adolphe d’Ennery, sa carrière semble avoir été motivée par le refus de ce dernier, lors de l’adaptation de ses plus célèbres pièces en roman-feuilleton, de le voir intégrer son équipe rédactionnelle. Aussi dès 1880, en parallèle du colossal roman collectif « Les Deux Orphelines », signé chez Jules Rouff par l’équipe d’Adolphe d’Ennery, Pierre Decourcelle écrivit, pour l’éditeur rival Dentu, un roman encore plus colossal qui allait assurer sa gloire : « Les Deux Gosses ». Cette œuvre qui reste, encore aujourd’hui, la plus longue jamais écrite dans le genre, eut un énorme succès qui vampirisa Pierre Decourcelle pendant pas loin de cinq ans, celui-ci ayant à cœur d’écrire, de valider, voire de mettre en scène lui-même, les pièces de théâtre issues de son roman fleuve. Ce fut sans doute suffisant à la fois pour assurer sa fortune et sa réputation, mais sans doute aussi pour lui faire réaliser qu’un tel travail est trop chronophage et épuisant. Aussi durant la deuxième moitié des années 1880, il peaufina son style dans des œuvres plus courtes, quoique plus denses, et surtout plus soignées sur le plan rédactionnel. Paru en feuilleton durant plus d’un an, « Les Deux Gosses » avait été grandement improvisé et écrit à la va-vite. Les romans qui suivirent, « La Buveuse de Larmes » (1885), « Le Chapeau Gris » (1886-87) et « Le Crime d’une Sainte » (1890) le virent patiemment se défaire d’une grande partie de l’attirail narratif grossier du roman-feuilleton, pour se recentrer sur le genre qui fera sa gloire : le mélodrame criminel. Pour l’époque, c’est un genre tout à fait moderne, qui reprend à son compte le travail très rigoureux d’Émile Gaboriau, disparu en 1879, et dont les romans inspirèrent Conan Doyle lui-même. Mais Gaboriau était un écrivain qui aimait surtout les énigmes policières. Decourcelle, lui, ne s’intéresse qu’au pathos, au drame psychologique et émotionnel induit par le meurtre. Le lecteur sait en général tout de suite qui est le criminel. Ce qui intéresse l'auteur, c'est la façon dont les coupables essayent d’échapper à la justice. L’influence de Xavier de Montépin, cet apôtre de la vengeance et de la rancœur comme moteur existentiel, est particulièrement tangible dans les oeuvres de Pierre Decourcelle, bien que chez Montépin, c’est le crime qui appelle la vengeance, tandis que chez Decourcelle, c’est la rancune, la haine larvée, la frustration, qui génèrent le crime, dont les responsables doivent ensuite se dépêtrer. Dans ce milieu littéraire principalement composé d’écrivains prolétaires et provinciaux, mais où l’on trouve aussi quelques aristocrates dévoyés qui profitaient de la popularité du roman-feuilleton pour y professer leurs idées monarchistes, Pierre Decourcelle était un cas à part : c’était l'archétype du bourgeois parisien et cossu, dont la mentalité entrait pour beaucoup dans la qualité de son travail, comme dans la récurrence de ses défauts. En effet, si les vertus populaires ont surtout perdu de leur morale chrétienne, si les valeurs de l’aristocratie sont assez figées, la mentalité bourgeoise est celle qui a le plus radicalement évolué durant le XXème siècle. Par certains aspects, Pierre Decourcelle nous apparaît encore familier : on trouve dans ses romans le même genre d’intrigues familiales ou conjugales qui sont à la base du cinéma de Claude Chabrol. Les rancœurs, les non-dits, les jalousies cachées, les manigances d'héritages, sont encore des travers très actuels de la bourgeoisie française. Mais hélas, bien des positionnements moraux, des questions d’honneur, des courses à la dot, des préoccupations de standing, des soucis d’image publique, ainsi qu'une certaine frilosité narcissique dans l’expérience de la vie, nous apparaissent aujourd’hui totalement dépassés, et les romans de Pierre Decourcelle, en dépit de la solidité et de la richesse de leurs intrigues, ont, pour la plupart, terriblement mal vieilli concernant les problématiques qui y sont exprimées. L’intérêt socio-historique demeure indéniable, mais il faut admettre que l'on a du mal aujourd'hui à comprendre certains enjeux de ses récits. Ajoutons aussi que Pierre Decourcelle est un auteur qui a tendance à user jusqu’à la corde les mêmes ficelles. Pratiquement tous ses romans reposent sur une séparation, forcée et douloureusement ressentie, entre jeunes gens qui s’aiment, ou entre des enfants et leurs parents. Cette obsession de la séparation affective est d’autant plus difficile à comprendre que rien, dans le passé de Pierre Decourcelle, ne semble refléter un vécu personnel. Élevé dans une famille fortunée et unie, Pierre Decourcelle avait mené de brillantes études, et, fort séduisant, avait collectionné les aventures avant finalement d’épouser, à l’aube de la quarantaine, la fille de son confrère Edmond About, avec laquelle il semble avoir mené une vie conjugale sans tâche. Il faut donc peut-être voir dans cette obsession effarée de la séparation, tout comme dans la complaisance de l'auteur pour la cruauté et l'ignominie, la vision excessive, et dramatisée à l’outrance, d’un auteur privilégié qui s'effarouche naïvement des revers de l'existence. « La Chambre d’Amour » est l’un de ses livres les plus importants. Sorti quasiment dix ans après, « Les Deux Gosses », c’est à la fois le roman de la maturité, et l’aboutissement de son style, au sein d’une véritable saga qui s’écoule durant un quart de siècle, et qui rassemble plus d’une vingtaine de personnages de plusieurs générations, liés par des intrigues d’une incroyable complexité. C’est aussi un roman qui a l’avantage de se situer dans une zone géographique rarement exploitée dans la littérature : l’extrême sud-est de la France, plus précisément les alentours de la ville de Port-Vendres, à quelques kilomètres de la frontière espagnole et de la région de Catalogne. C’est dans ce périmètre franco-espagnol que se déroule l’intégralité du récit. L’action se déroule au départ à la fin des années 1860. Le centre de l’intrigue repose dans la petite maison de la famille Castagnède, famille d’ailleurs très durement touchée par le malheur : l’oncle Castagnède, veuf, maréchal-des logis chef, appartenant à la police douanière chargée d’arrêter les trafiquants à la frontière, vit seul dans cette maison avec sa jeune nièce Raymonde, dont les parents sont morts dans un naufrage, et avec la cousine de cette jeune fille, Mercédès, issue d’une branche familiale de Catalogne. Raymonde est ouvertement fiancée à un jeune nobliau local, Antoine d’Espérac, lui aussi orphelin, et vivant à quelques centaines de mètres, dans un mas cossu, avec son frère Évariste, minéralogiste amateur.  Mercédès, de son côté, vit une romance secrète avec le jeune officier Henri de Paul-Hébert, appartenant à un bataillon détaché à Port-Vendres. Lui a encore une mère, perverse et possessive, qui n’entend pas laisser son fils épouser une roturière. Hélas, Mercédès est issue d’un milieu tout juste bourgeois, Pont-Hébert ne peut encore l’épouser, mais il entend bien obtenir l’aval de sa mère avec le temps. D’ici là, même s’ils s’adorent, Mercèdès et le bel officier dissimulent leur relation, d’autant plus que la famille Pont-Hébert est voisine des Castagnède. Pont-Hébert grimpe donc, chaque soir de permission, le long du mur de la maison des Castagnède pour pénétrer subrepticement dans la chambre de Mercédès. C’est ce simple fait qui va enclencher une série de drames, qui vont conditionner le destin de tous les personnages. Car sous ses ordres, Pont-Hébert  compte un jeune soldat arrogant avec lequel il s’entend mal : Ortolas. Souvent envoyé comme ordonnance pour porter un message à la maison du maréchal Castagnède, Ortolas a aperçu plusieurs fois Raymonde et en est tombé fou amoureux. C’est un garçon assez séduisant, mais d’un très mauvais genre, et d’une origine sociale douteuse. Néanmoins, fat et prétentieux, il finit par demander la main de Raymonde sans même lui avoir parlé, et avec un manque total de connaissance dans les conventions d'une telle demande. Outré, le maréchal le jette dehors. Furieux et incapable d'admettre son propre échec, Ortolas se persuade que Raymonde a un amant, et la nuit, il guette sa maison depuis une cache, avec l’idée de surprendre son rival et de le tuer. C’est alors qu’il voit son officier de commandement, Pont-Hébert, sortir de la chambre de Mercédès, qu’il pense être en fait celle de Raymonde. Estomaqué de cette coïncidence, il préfère alors rentrer chez lui, mais le lendemain, pris d’une crise de rage, il tente maladroitement d’assassiner Pont-Hébert. À cette époque, on ne plaisantait pas avec l’insubordination militaire. Humilié lors d’une dégradation publique, à laquelle assiste Raymonde, toute surprise de reconnaître une ordonnance qui venait parfois dans sa maison, Ortolas est jeté à fond de cachot, en attendant le prochain navire de prisonniers en partance pour la Guyane. Alors qu’il se morfond dans sa cellule, il est délivré par un autre militaire, un certain Chenillard, condamné lui aussi pour s’être livré à de la contrebande, mais qui, alors qu'il s'évade, se dit que tout sera plus facile avec l'aide d'un complice. Ortolas saute sur l’occasion, et s’échappe lui aussi. Les deux hommes rejoignent un trafic de contrebandiers. Pendant ce temps, Raymonde a épousé Antoine d’Espérac. Mais la lune de miel est de courte durée. Travaillant comme chimiste, inventeur d’un nouvel explosif, Antoine d’Espérac est sollicité par une entreprise intéressée par son invention, mais qui se trouve en Afrique du Sud. L’opportunité est inespérée, mais pourtant, Antoine hésite à s’absenter plusieurs mois loin de sa femme. Raymonde insiste finalement elle-même pour qu’il parte : elle ne veut pas être un obstacle à sa carrière. Antoine parti pour longtemps, Raymonde et Mercédès traînent durant les après-midis sur les bords de mer, tandis qu’Évariste cherche des galets préhistoriques dans le sable. Raymonde aime particulièrement une curiosité locale de la plage de Port-Vendres, « La Chambre d’Amour », une grotte d’origine préhistorique qui donne sur un endroit discret de la plage, et à laquelle est attachée une ancienne légende romantique. Une parenthèse s'impose : cette grotte appelée « Chambre d’Amour » existe réellement, et c’est, de nos jours, une attraction touristique. Seulement, elle ne se trouve pas à Port-Vendres, mais à l’opposé, sur le littoral atlantique, à Anglet. Pour des raisons de proximité avec la Catalogne, où il voulait déplacer ses personnages, Pierre Decourcelle l’a placée sur le littoral méditerranéen. Un jour où il pleut dru, Raymonde va se réfugier dans sa grotte préférée, et comme Mercédès ne l’a pas suivie, elle s’allonge et s’endort. Mais quelqu’un l’a vu entrer dans la grotte : Ortolas. Le trafiquant cherchait une cachette pour entreposer des caisses de contrebande, et s’était dirigé en direction de la Chambre d'Amour. Il surprend Raymonde assoupie, et persuadée que cette jeune femme est à l’origine de tous ses ennuis, il la viole sauvagement, avant de s’enfuir. Raymonde ressort en état de choc, elle a parfaitement reconnu Ortolas, mais, honteuse, désireuse d’oublier l’agression infâme dont elle a été victime, elle ne dit rien à personne, et s'efforce de ne plus y penser. Hélas, quelques mois plus tard, alors qu’Antoine se prépare à revenir en France, elle se rend compte qu’elle est enceinte. Elle finit par tout raconter en larmes à son beau-frère Évariste. Fraîchement revenu, Antoine prend aussi bien la chose que possible, et Évariste ayant suivi des cours de médecine, il est décidé qu’il accouchera en cachette la malheureuse Raymonde, puis Antoine ira porter le bébé chez une nourrice qui se chargera ensuite, une fois sevré, de lui trouver une famille d'accueil. Mais l’épreuve a été trop rude pour Raymonde, qui devient soudainement folle, et retombe en enfance. Affligé par ce coup du sort, Antoine d’Espérac décide de ramener le bébé laissé à la nourrice. Il le reconnaît à la mairie comme son fils, et le baptise Philippe. La folie de Raymonde lui évite de subir un nouveau coup du sort : son oncle Castagnède est assassiné par des trafiquants durant une nuit. Ces trafiquants, ce sont en fait Ortolas et Chenillard, qui ont été surpris et reconnus par l’oncle Castagnède. Ortolas l’a tué pour ne pas qu’il parle. Néanmoins, ce crime fait grand bruit, et les deux voyous passent définitivement en Espagne, où, moyennant quelques billets, ils changent d’identité. Ortolas se fait rebaptiser Salvador Ruiz et Chenillard se fait désormais appeler Sanchez Garcia. Son oncle étant mort, sa cousine étant devenue folle, plus rien ne retient en France la jeune Mercèdès qui rentre mélancolique en Catalogne, et rejoint son père et sa sœur Teresa. Mais ce père, bon commerçant bourgeois, a en réalité une activité secrète : il est à la tête d’un de plus gros syndicat de contrebandiers, et vient justement d’engager Ortolas et Chenillard sous leurs nouvelles identités. En deux ans, ils parviennent à se rendre indispensables, et demandent alors à épouser les deux jeunes filles de leur employeur. La guerre franco-prussienne vient juste d’éclater, et Pont-Hébert est mobilisé pour une durée impossible à définir. Sans nouvelles de l'homme qu'elle aime, Mercédès n’a d’autre choix que d’épouser Chenillard, alias Sanchez Garcia. Quand la guerre se termine, plus vite hélas que prévu, Pont-Hébert revient en Catalogne afin d'épouser Mercédès, mais le mal est fait, elle est fiancée et quasiment mariée. Les deux amants éplorés s’offrent alors, dans une discrète chambre d'hôtel, une ultime étreinte, dont hélas, Mercédès tombe enceinte. C’est d’autant plus problématique, que son mariage n’est pas encore consommé, Sanchez Garcia ayant jugé prudent de lui laisser tout le temps nécessaire pour oublier son beau militaire. Heureusement, Mercédès va accoucher en cachette, et presque en même temps que sa sœur Teresa, enceinte, elle, d'Ortolas/Salvador Ruiz, laquelle accepte de prendre pour elle le bébé de Mercédès afin de faire croire qu’elle a eu des jumelles. Les années passent : les deux anciens militaires criminels sont sortis du trafic clandestin pour devenir de puissants hommes d’affaires. Le hasard a fait qu’ils sont devenus clients, puis amis, d’Antoine d’Esperac. Celui-ci ne soupçonne nullement que Salvador Ruiz est l’Ortolas qui a violé sa femme, de même qu'Ortolas ne devine pas qu'Antoine est le mari de Raymonde, persuadé qu'elle s'était unie à Pont-Hébert. Un soir où d’Espérac l’a invité à dîner chez lui, Ortolas/Salvador Ruiz reste tétanisé en se voyant présenté à Raymonde, mais finalement, comme elle est folle et que les années ont quelque peu changé Ortolas, elle ne reconnaît absolument pas son agresseur. Quant au petit Philippe, qui gambade dans le jardin, Ortolas n’a aucune raison de penser que c’est son fils. Cependant, avec les années, les rapports se tendent entre Ortolas/Salvador Ruiz et Chenillard/Sanchez Garcia. Tous deux sont associés dans l’entreprise qui les a enrichis, mais l’ex-Chenillard reproche à l’ex-Ortolas des dépenses excessives aux frais de leur société pour des plaisirs pervers et coûteux avec des jeunes filles vierges, qu’Ortolas se fait présenter par une ancienne maîtresse, Pepita Vasquez, devenue maquerelle. Chenillard/Sanchez Garcia menace finalement de le faire chanter en révélant sa vraie identité. Pour Ortolas/Salvador Ruiz, il n’y a plus qu’une solution : faire disparaître son complice pour que son passé tout entier disparaisse avec lui. Chenillard/Garcia va régulièrement se promener dans un petit steamer. Ortolaz/Ruiz y installe une machine infernale. Mais il ignore alors que sa fille Blanche (sa vraie fille et non celle de Mercédès), prise d’une terrible fièvre, a été amenée d’urgence sur ce steamer pour la présenter à un docteur d’une autre ville de la côte. Quand le bateau explose, Salvador Ruiz exulte, d'autant plus qu'il va hériter des parts de son ancien associé, mais il s'effondre horrifié, quand il apprend que sa fille était à bord. Ce qu’il ignore, c’est que par miracle, Chenillard/Garcia et la petite Blanche ont survécu à l’explosion, et après avoir dérivé, accrochés à une planche de bois, ils ont pu être sauvés. Mais Chenillard/Garcia a rapidement compris d’où venait le coup. Récupérant des économies cachées, il change d’identité, et finance l’éducation de la petite fille de son ancien comparse, en la rebaptisant sous le nom de Myriame. Il nourrit en fait un projet de vengeance ignoble : préparer la petite Myriame à une existence de vestale, puis la livrer adolescente à Pépita Vasquez, qui va bien entendu la refourguer à Ortolas/Salvador Ruiz. Et c’est seulement une fois que ce dernier aura abusé de la petite fille que Chenillard/Garcia jaillira comme un diable d’une boîte à la seule fin de dire à Ortolas : « Je ne suis pas mort, et ta fille aussi est vivante : tu viens juste de la violer ». Heureusement, tout ne va pas se passer comme prévu, et la petite Myriame échappera de justesse au funeste sort qu’on lui réservait, grâce au sentiment pur que lui inspire le jeune La Cadière, viveur mélancolique... Ce que j’ai résumé ici n’est peut-être que le tiers des intrigues tortueuses et labyrinthiques de « La Chambre d’Amour », roman indéniablement magistral dans sa composition, même si toute cette histoire est franchement malsaine, et moralement douteuse, puisque même s’ils finissent par payer leurs crimes, Ortolas et Chenillard auront tout de même connu la richesse, l’amour et la réussite sociale pendant de très longues années. De quelque manière que ce soit, malgré le but évident de l’auteur d’aboutir à une fin morale, nous avons là quand même deux hommes qui ont semé la désolation dans deux familles, n’en ont tiré que des avantages, et semblent clairement, aux yeux du lecteur, les véritable héros de ce roman. En revanche, « La Chambre d’Amour » est vraiment une impressionnante leçon romanesque, tant par la complexité de l’intrigue, par les personnalités très tranchées de la bonne vingtaine de personnages qui le composent, par les descriptions magnifiques de cette région frontalière franco-espagnole que l'auteur semble avoir longuement visité, par les dialogues flamboyants, et d’une rare intensité, qui sont ici parfaitement dosés dans un roman soigneusement découpé et équilibré, en un cocktail contrasté, quoique contre-nature, de réalisme détaillé et d’énormités feuilletonesques. « La Chambre d’Amour » est mieux qu’un roman, c’est un exercice de style d’une maîtrise et d’une logique absolument irréprochables, qui n’est pas sans évoquer la précision méthodique d’Edgar Poe. Seul bémol : Edgar Poe, lui au moins, ne se complaisait pas à ce point-là dans le sordide et la perversité. Vu son titre, ce roman a dû traumatiser bien des lectrices qui s’attendaient à une jolie histoire romantique. N'en faisons pas mystère : même un siècle plus tard, « La Chambre d’Amour » est un roman réservé à un lectorat avec le cœur bien accroché, non pas à cause de la crudité des termes, mais parce que les idées exprimées sont assez souvent révoltantes, et ouvertement complaisantes dans cette volonté pourtant inutile de choquer ses lecteurs - ou ses lectrices.     

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